Nullité d'une AG : le grief n'est pas nécessaire

Nullité d'une AG : le grief n'est pas nécessaire ✨

La Cour de cassation réaffirme la primauté de la forme sur le fond : une simple irrégularité dans la composition de l'assemblée générale suffit à entraîner sa nullité, sans besoin de prouver un préjudice.

La Chambre civile 3 de la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 juin 2024 (n° 22-17.764), rappelle un principe essentiel : une irrégularité dans la composition d'une assemblée générale entraîne sa nullité, même si elle n'a pas influencé le résultat des votes.

📜 Contexte et Cadre Légal

La tenue d'une assemblée générale, qu'il s'agisse d'une copropriété ou d'une société, est encadrée par des règles strictes visant à garantir la régularité des débats et la légitimité des décisions. L'article 14 du Décret du 17 mars 1967 impose notamment la tenue d'une feuille de présence qui doit comporter des mentions obligatoires :

  • Les nom et domicile de chaque copropriétaire ou associé (ou de son mandataire).
  • Le nombre de voix dont il dispose.

Cette formalité est cruciale, car elle permet de s'assurer que seules les personnes habilitées participent au vote.

⚖️ L'Espèce et la Décision de la Cour d'Appel

En l'espèce, un copropriétaire a demandé l'annulation d'une assemblée générale, arguant que la feuille de présence était irrégulière. Il soutenait que l'absence de certaines mentions (domiciles, nombre de voix) empêchait de vérifier si des personnes non copropriétaires, et donc non autorisées, avaient participé aux votes.

La Cour d'appel a rejeté sa demande. Elle a estimé que ces défauts n'étaient pas suffisants pour annuler l'assemblée, car l'exactitude des noms des personnes présentes n'était pas contestée et, surtout, car la présence des personnes litigieuses n'aurait de toute façon pas modifié le résultat des votes. En d'autres termes, elle exigeait du requérant qu'il prouve l'existence d'un grief (un préjudice).

🏛️ La Censure de la Cour de Cassation : Un Principe Réaffirmé

La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel, en rappelant une jurisprudence constante et un principe fondamental :

« L’irrégularité affectant la composition d’une assemblée générale entraîne sa nullité sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un grief. »

La Haute Juridiction a sanctionné la Cour d'appel non pas pour l'absence des mentions en tant que telles, mais pour son manquement à répondre à l'argument central du copropriétaire. En omettant de rechercher si les personnes inscrites sur la feuille de présence avaient bien qualité pour voter et si, comme l'indiquait le procès-verbal, les copropriétaires étaient tous présents ou représentés, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

💡 Analyse et Portée de la Décision

Cet arrêt a une portée pratique significative :

  • Primauté de la règle de forme : Le strict respect des formalités de composition de l'assemblée est une condition de validité absolue. L'objectif est de préserver la sécurité juridique des délibérations collectives.
  • Absence de grief à prouver : Il n'est pas nécessaire pour le requérant de démontrer que l'irrégularité a eu une conséquence sur le vote. Le simple constat de l'irrégularité suffit à fonder une action en nullité. La légitimité du processus prime sur son résultat numérique.
  • Obligation de motivation des juges : Les juridictions doivent examiner explicitement tous les moyens de droit soulevés par les parties. Le fait de ne pas répondre à un argument sérieux est une cause de cassation.

✅ Conséquences et Recommandations

Pour les syndics, conseillers et participants aux assemblées générales, cet arrêt est un rappel à la vigilance :

  • La feuille de présence doit être remplie avec un soin méticuleux, en n'omettant aucune des mentions obligatoires.
  • La vérification de la qualité de votant (copropriétaire ou mandataire dûment habilité) est une étape critique qui ne doit pas être négligée.
  • Toute négligence dans ce processus expose les décisions de l'assemblée à un risque élevé d'annulation, indépendamment de la popularité ou du bon sens de la décision qui y a été prise.

En résumé, la Cour de cassation protège l'intégrité du débat collectif : la régularité de la composition de l'assemblée n'est pas une simple formalité, mais la condition sine qua non de la validité de ses décisions.


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