⚖️ La clause illégale doit être appliquée jusqu'à son annulation judiciaire
Le régime de la clause réputée non écrite : une application stricte jusqu'à l'intervention du juge
📌 Introduction
En copropriété, le règlement de copropriété est la charte qui régit la vie de l'immeuble. Mais que se passe-t-il lorsqu'une de ses clauses est contraire à la loi ? Contrairement à une idée reçue, une clause illégale n'est pas automatiquement inapplicable. La Cour de cassation rappelle, dans un arrêt du 6 juillet 2023, une solution constante : les clauses du règlement de copropriété doivent recevoir application tant qu'elles n'ont pas été expressément déclarées non écrites par un juge.
⚡ L'affaire : la mise à disposition gratuite et perpétuelle de locaux
Un promoteur avait inscrit dans le règlement de copropriété d'une résidence de services une clause obligeant le copropriétaire de certains lots (utilisés comme locaux techniques) à les mettre à disposition gratuitement de l'exploitant de la résidence. À la suite d'un changement d'exploitant, le nouveau gestionnaire a découvert cette obligation et l'a contestée en justice.
Le copropriétaire invoquait l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, qui garantit à chaque copropriétaire le libre usage et jouissance de ses parties privatives. Il soutenait qu'une clause imposant une occupation gratuite et indéfinie par un tiers portait une atteinte injustifiée au droit de propriété.
⚖️ La position ferme de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette cette argumentation en apparence logique. Elle confirme que le simple caractère illégal d'une clause ne la rend pas automatiquement nulle et non avenue. La qualification de "réputée non écrite" est une sanction qui ne produit effet que si elle est prononcée par un juge. En attendant, le syndic et la copropriété sont tenus d'appliquer le règlement dans son intégralité.
📚 Une jurisprudence constante
Cette décision s'inscrit dans une ligne jurisprudentielle bien établie. Par exemple, dans un arrêt du 22 juin 2022 (n° 21-16.872), la Cour avait jugé qu'une clause désignant d'office comme scrutateurs les copropriétaires les plus importants en tantièmes – pourtant contraire à la liberté de choix de l'assemblée générale – devait s'appliquer tant qu'elle n'avait pas été attaquée et spécifiquement dénoncée.
Conséquence pratique pour les avocats : Il est impératif, dans les conclusions, de demander explicitement au juge de déclarer la clause illégale "réputée non écrite". Une simple demande d'annulation de la délibération fondée sur cette clause peut être insuffisante.
🔍 Les risques et les solutions face à une clause illégale
Cette rigueur juridique peut sembler source de confusion et de contentieux. En effet, elle oblige à appliquer des clauses obsolètes ou contraires à la loi, par exemple :
- Des conditions de majorité non conformes à la loi actuelle
- Des clauses permettant la cooptation d'un membre du conseil syndical sans vote
- Des interdictions absolues de détention d'animaux
Solutions pour les copropriétés :
- L'action en justice : La voie la plus sûre pour faire annuler une clause illégale est de saisir le tribunal. L'action est imprescriptible.
- La mise à jour du règlement par l'assemblée générale : La Cour de cassation a admis que l'assemblée générale elle-même pouvait reconnaître le caractère non écrit d'une clause (Cass. 3ème civ., 10 sept. 2020, n° 19-17.045).
Attention : Cette procédure de mise à jour ne permet pas de modifier la grille de répartition des charges, qui ne peut être changée que par un vote à l'unanimité ou par décision de justice.
💎 Conclusion
L'arrêt du 6 juillet 2023 sert de rappel salutaire : en copropriété, la sécurité juridique prime. Une clause, même manifestement illégale, conserve une existence juridique tant qu'un juge ne l'a pas frappée de nullité. Cette solution incite les copropriétés à être proactives en procédant régulièrement à la mise à jour de leur règlement, afin d'éviter les litiges et de se conformer à l'état du droit.
