Nu-propriétaire et voix du copropriétaire majoritaire

⚖️ Nu-propriétaire et voix du copropriétaire majoritaire

Comment la Cour de cassation a clarifié les règles de calcul des voix en assemblée générale

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Le principe : la limitation des voix du copropriétaire majoritaire

Pour prévenir toute mainmise sur les décisions d'une copropriété, la loi prévoit un mécanisme de réduction automatique des voix lorsque l'un des copropriétaires détient une quote-part de parties communes supérieure à la moitié.

Exemple concret : Un copropriétaire qui détiendrait 600/1000èmes verrait son pouvoir de vote ramené à 400/1000èmes (soit le total des voix des autres copropriétaires). Pour qu'une résolution soit adoptée, il devrait donc obligatoirement obtenir le soutien d'autres copropriétaires.

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Les faits : une stratégie patrimoniale basée sur la nue-propriété

En l'espèce, une Société Civile Immobilière (SCI) détenait initialement plus de la moitié des tantièmes. Dans le cadre d'une stratégie successorale, elle a cédé la nue-propriété de plusieurs lots à quatre enfants différents, tout en se réservant l'usufruit. Ainsi, la pleine propriété de ces lots était "démembrée" :

  • La SCI détenait l'usufruit
  • Quatre nus-propriétaires distincts détenaient la nue-propriété

Lors de l'assemblée générale, ces quatre nus-propriétaires étaient représentés par un mandataire commun. Suite à des votes, un autre copropriétaire a demandé l'annulation des résolutions, arguant que la SCI, en tant qu'usufruitière unique, détenait indirectement plus de la moitié des voix et que la règle de limitation aurait dû s'appliquer.

La décision de la Cour de cassation : la distinction nue-propriété / usufruit est fondamentale

La Cour de cassation a rejeté cette demande. Son raisonnement s'articule autour de trois points clés :

1. La règle ne s'applique qu'aux lots "entre les mêmes mains". La limitation des voix n'intervient que si un seul et même copropriétaire est titulaire de plus de la moitié des tantièmes. Ici, les nus-propriétaires étant quatre personnes distinctes, aucun d'eux ne détenait individuellement la majorité. La condition n'était donc pas remplie.

2. L'usufruit ne fait pas le propriétaire. La Cour rappelle que le droit de vote en assemblée est attaché à la propriété du lot. Si l'usufruitier (la SCI) a généralement le droit de voter, le calcul de la majorité bloquante se fonde sur la titularité des droits de propriété, c'est-à-dire la nue-propriété. Le fait que l'usufruit soit unique n'a pas d'incidence sur ce calcul.

3. La représentation par un mandataire commun est neutre. Le fait que les quatre nus-propriétaires aient désigné un seul mandataire pour les représenter ne fusionne pas juridiquement leurs lots. Chaque nu-propriétaire conserve son lot distinct.

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Portée de l'arrêt

Cet arrêt est crucial pour les copropriétés car il :

  • Clarifie le critère déterminant : c'est l'unité du propriétaire (en l'occurrence, du nu-propriétaire) qui compte, et non l'unité de l'usufruitier.
  • Valide une stratégie patrimoniale courante : la répartition de la nue-propriété entre plusieurs héritiers est un moyen licite de conserver un pouvoir de vote majoritaire en assemblée générale, sans être soumis à la limitation des voix.
  • Renforce la sécurité juridique en distinguant clairement les effets de la nue-propriété, de l'usufruit et du mandat.

Source : Cass., 3ème civ., 25 mai 2023, n° 22-14.180

Nu-propriétaire Copropriété Voix majoritaire Assemblée générale Droit immobilier
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