Locations touristiques : un usage contraire à la destination de l'immeuble 🏠🚫
Locations meublées touristiques : une activité contraire à la destination de l'immeuble d'habitation
Synthèse : Par une série de décisions récentes, le Tribunal judiciaire de Paris a réaffirmé que la location meublée touristique de courte durée, exercée comme une activité commerciale à destination d'une clientèle de passage, est contraire à la destination d'un immeuble à usage principal d'habitation. Cette pratique, source de nuisances, peut être interdite par le règlement de copropriété.
Références : TJ Paris, 23 février 2024, n° 21/11598 ; TJ Paris, 29 février 2024, n° 21/03182 ; TJ Paris, 29 février 2024, n° 22/02321 ; TJ Paris, 4 avril 2024, n° 22/02674.
1. Le cadre juridique : la destination de l'immeuble, pierre angulaire ⚖️🏛️
La loi du 10 juillet 1965 fixe le cadre légal : le règlement de copropriété ne peut restreindre les droits des copropriétaires que par des clauses justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie par ses caractéristiques et sa situation (article 8).
Ainsi, la jurisprudence a jugé licites des clauses :
- Interdisant la colocation dans un immeuble haussmannien cossu à destination exclusivement bourgeoise (CA Paris, 23 mai 2012).
- Interdisant la location de chambres de service à des personnes étrangères à la copropriété (Cass. 3ème civ., 28 février 2006).
À l'inverse, une clause limitant sans justification la location meublée à un usage exceptionnel et temporaire a été jugée invalide (CA Paris, 18 mai 2000).
2. L'analyse des juges parisiens en 2024 : une convergence remarquable 🎯👨⚖️
En l'espace d'un peu plus d'un mois, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu quatre jugements convergents concernant des locations meublées touristiques de courte durée.
Le raisonnement retenu :
- Une activité commerciale : Les tribunaux qualifient cette activité répétitive de location à une clientèle de passage d'activité commerciale.
- Une appréciation in concreto : Conformément à la jurisprudence, les juges apprécient souverainement si l'usage d'un lot est conforme à la destination de l'immeuble et s'il ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires (TJ Paris, 29 février 2024).
- L'exigence d'une occupation pérenne et paisible : Que le règlement de copropriété comporte une clause d'habitation bourgeoise ou une interdiction expresse des activités commerciales, les juges en déduisent une même exigence : les logements sont destinés à une occupation stable et durable, excluant ainsi les locations successives et de très courte durée à des touristes.
Conclusion des décisions :
Dans les espèces jugées, cette activité a été systématiquement considérée comme contraire à la destination de l'immeuble, constituant un trouble anormal de jouissance pour la copropriété (bruit, dégradations, rotation incessante des occupants).
3. Les nuances et les zones d'incertitude persistantes ❓🔮
Le débat n'est pas entièrement clos pour autant, notamment sur deux points :
- La qualification d'activité commerciale : La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 janvier 2024 (n° 22-21.455), a récemment estimé que la location meublée, lorsqu'elle n'est accompagnée d'aucune prestation de service accessoire (petit-déjeuner, ménage, fourniture de linge, réception) ou seulement de prestations mineures, ne revêt pas nécessairement le caractère d'une activité commerciale para-hôtelière. Cette divergence d'appréciation ouvre la voie à des contentieux futurs.
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L'impact de la législation future : Une proposition de loi visant à renforcer la régulation des meublés de tourisme avait été adoptée par le Parlement. Parmi ses mesures phares :
- Suppression des niches fiscales.
- Application des règles de performance énergétique (interdiction de louer des passoires thermiques).
- Mise en place d'un régime d'autorisation préalable en copropriété, conditionnant le changement d'usage à un vote favorable de l'assemblée générale à la majorité simple.
État des lieux : La dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024 a interrompu l'examen de ce texte. Son avenir dépendra donc de la volonté du prochain gouvernement.
En conclusion, la jurisprudence récente du Tribunal judiciaire de Paris marque un net durcissement contre les locations touristiques de courte durée en copropriété, les considérant comme incompatibles avec la destination d'un immeuble d'habitation. Si le droit de la copropriété offre déjà des outils pour les combattre, les copropriétaires et les syndics doivent rester vigilants face aux évolutions législatives et jurisprudentielles à venir.
