L'Irrevocabilité des Décisions et les Droits Acquis

📜 L'Irrevocabilité des Décisions et les Droits Acquis

Quand l'assemblée générale peut-elle revenir sur ses décisions antérieures ?

Il est constant en jurisprudence que le caractère définitif d'une résolution adoptée en assemblée générale n'a pas pour corollaire son irrévocabilité. L'assemblée générale, en tant qu'organe souverain de la copropriété, possède la faculté de revenir sur une décision antérieure devenue définitive, sous réserve du respect de conditions strictes.

📜 Principe : La souveraineté de l'assemblée générale et ses limites

Ces conditions, régulièrement rappelées par les tribunaux, sont les suivantes :

  • L'absence d'exécution de la résolution initiale.
  • L'absence d'atteinte aux droits acquis des copropriétaires.
  • L'absence de portée atteinte à l'intérêt collectif de la copropriété.
Ce pouvoir de rétractation n'est donc pas absolu et trouve sa limite principale dans la notion de droits acquis, qui constitue un verrou protecteur pour les copropriétaires ayant légitimement compté sur une décision.

⚖️ L'éclairage de l'affaire : Cession de parties communes et apparition d'un élément nouveau

Les faits : Une assemblée générale avait voté la cession à un copropriétaire de parties communes (un WC et un couloir). Cette cession s'inscrivait dans un projet plus large incluant la subdivision du lot de ce copropriétaire et la transformation de ces parties communes en lots privatifs, avec un changement de destination de locaux (mansarde, grenier) en appartement.

Quelques années plus tard, face à l'absence totale d'isolation acoustique – ces locaux n'étant initialement pas prévus pour l'habitation – et aux troubles de voisinage qui en découlaient, une nouvelle assemblée rejeta une résolution visant à mettre le règlement de copropriété en conformité avec ces modifications. Elle exigea plutôt la remise en état des lieux, revenant ainsi sur la décision initiale de cession.

Le contentieux : Le copropriétaire concerné contesta cette nouvelle résolution, arguant que l'assemblée générale ne pouvait pas revenir sur une décision antérieure définitive.

🔍 La solution de la Cour d'appel de Lyon (5 mars 2024, n° 21/09019)

La Cour d'appel a infirmé la décision des premiers juges et a donné raison au copropriétaire, en apportant les précisions suivantes :

  • Rejet de la théorie de l'élément nouveau : Le tribunal judiciaire avait estimé que les problèmes d'isolation acoustique constituaient un "élément nouveau" justifiant de revenir sur la décision. La Cour d'appel écarte cet argument.
  • La cession, source de droits acquis : Dès lors que la cession a été réalisée sans réserve, le copropriétaire est devenu propriétaire privatif des locaux cédés.
Portée de l'arrêt : Cet arrêt rappelle avec force que la cession d'une partie commune est l'opération qui crée les droits acquis les plus forts. Même non exécutée matériellement, la cession elle-même, en tant qu'acte juridique, produit des effets immédiats et irréversibles pour l'assemblée générale.

Jurisprudence de référence citée :

  • CA Paris, 19 janvier 1993, n° 91/7969 : Précise que l'assemblée générale n'est pas définitivement liée par ses décisions antérieures.
  • CA Lyon, 5 mars 2024, n° 21/09019 : Définit les limites de ce principe en présence d'une cession créant des droits acquis.
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