Copropriété : l'activité professionnelle au crible des tribunaux ⚖️
L'interprétation de la loi par la jurisprudence pour les professions libérales.
Question 🙋 :
L'affichage d'une plaque de kinésithérapeute sur la façade de ma copropriété est-il légal ? JP (75)
Réponse 🧐 :
Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas la loi qui interdit ou autorise explicitement une profession libérale en copropriété, mais bien l'interprétation qu'en font les tribunaux, au cas par cas. La réponse à votre question se trouve donc principalement dans la jurisprudence, qui a précisé les critères issus de la loi du 10 juillet 1965.
Si le règlement de copropriété est la première référence, son silence ou ses ambiguïtés sont systématiquement comblés par les décisions de justice. Voici les principes dégagés par les tribunaux.
1. La Hiérarchie des Sources selon la Jurisprudence 📜
La Cour de Cassation a constamment rappelé la primauté de la destination de l'immeuble (Cass. 3e civ. 6 mai 2009, n° 08-10.278). Voici comment les juges analysent la situation :
Si le règlement l'interdit clairement : Une clause d'« habitation exclusivement bourgeoise » est le plus souvent jugée légale et opposable. Un kinésithérapeute ne pourrait pas s'installer, sauf à démontrer que l'immeuble a une destination mixte de fait (Cass. 3e civ. 16 mars 2005).
Si le règlement est silencieux ou autorise : C'est ici que la jurisprudence joue pleinement. Les juges estiment qu'une activité professionnelle est permise, sauf à prouver qu'elle cause un trouble anormal.
2. L'Apport Décisif de la Jurisprudence : La Notion de Trouble Anormal ⚠️
La jurisprudence a défini une liste de critères concrets pour caractériser le trouble anormal justifiant une interdiction. Votre voisin kinésithérapeute pourrait voir son activité remise en cause si les éléments suivants sont prouvés :
Nuisances sonores : Les allées et venues des patients et les bruits des équipements sont le premier motif de condamnation (Tribunal de Grande Instance de Paris, 12 mars 2015). La jurisprudence considère la fréquence et l'intensité de la gêne, pas son simple existence.
Encombrement des parties communes : Une jurisprudence constante (CA Versailles, 15 juin 2017) sanctionne l'occupation anormale des halls, ascenseurs et cages d'escalier par une clientèle extérieure, créant une gêne pour la tranquillité des résidents.
Pose d'une plaque sur la façade : Les tribunaux (CA Paris, 4e ch., 9 mars 1990) considèrent que la façade est une partie commune. Y apposer une plaque, même petite, sans l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, constitue une emprise irrégulière sur les parties communes et est souvent interdite.
3. Le Rôle de la Jurisprudence dans l'Interprétation du Règlement 🧐
Même avec une clause d'« habitation bourgeoise », la jurisprudence opère un contrôle de proportionnalité. Par exemple, la Cour de Cassation (Cass. 3e civ. 28 janv. 2015) a estimé que l'exercice d'une profession libérale sans clientèle sur place (architecte) ne pouvait raisonnablement pas être interdit, car il ne cause par nature aucun trouble.
Conclusion Jurisprudentielle : 💡
En résumé, la légalité d'un cabinet de kinésithérapie en copropriété ne se déduit pas d'une règle absolue, mais d'une analyse de faisceaux d'indices définis par la jurisprudence. Avant toute action, il est crucial de recueillir des preuves des troubles allégués (constat d'huissier, témoignages). Le dialogue avec le syndic, gardien du règlement et de la jurisprudence, est l'étape préalable indispensable à toute action en justice visant à faire cesser un trouble anormal de voisinage.
