Contester une AG : la demande subsidiaire sauve la forclusion ✨
Un éclairage essentiel sur la stratégie procédurale en copropriété
Un arrêt récent de la Cour de cassation (3ᵉ Civ., 4 juillet 2024, n° 22-24.060) apporte un éclairage essentiel sur la stratégie procédurale en matière de contestation des décisions d'assemblée générale de copropriété. Il précise qu'une demande subsidiaire visant des résolutions spécifiques bénéficie de l'interruption du délai de forclusion provoquée par la demande principale d'annulation de l'assemblée générale dans son entier.
1. Le caractère préfix du délai de contestation ⏱️
En copropriété, l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 fixe un délai préfix de deux mois pour contester les résolutions d'une assemblée générale. Ce type de délai se distingue de la prescription civile :
Il est strict et improrogeable : Il ne peut être suspendu ou interrompu que dans des cas spécifiquement prévus par la loi.
Absence de prolongation : Les règles de prorogation pour les délais expirant un week-end ou un jour férié (article 642 du Code de procédure civile) ne lui sont pas applicables.
Sanction radicale : La méconnaissance de ce délai entraîne la forclusion, c'est-à-dire l'irrecevabilité définitive de l'action. Passé deux mois, la résolution contestée devient intangible.
2. Le mécanisme d'interruption du délai 🛑
Malgré sa rigidité, le délai préfix peut être interrompu. L'article 2241 du Code civil dispose qu'une demande en justice, même en référé, interrompt non seulement les délais de prescription mais aussi les délais de forclusion. Cette interruption est acquise même si la demande est portée devant une juridiction incompétente ou si l'acte de saisine est entaché d'un vice de procédure.
3. Le cas d'espèce et l'apport de la Cour de cassation ⚖️
Dans l'affaire commentée, un copropriétaire a, dans les temps, assigné en nullité l'ensemble d'une assemblée générale. Postérieurement à l'expiration du délai de deux mois, il a introduit une demande subsidiaire visant l'annulation de certaines résolutions spécifiques adoptées lors de cette même assemblée.
- Décision des juges d'appel : Ceux-ci ont rejeté la demande subsidiaire, la qualifiant de tardive.
- Censure par la Cour de cassation : La Haute juridiction a infirmé cette décision. Elle a jugé que la demande subsidiaire, tendant aux mêmes fins que la demande principale, était virtuellement comprise dans cette dernière. Par conséquent, le délai de forclusion pour contester les résisions individuelles avait été interrompu par l'assignation initiale visant l'assemblée entière.
💡 Analyse et Portée de la Décision 🚀
Cet arrêt a une portée pratique considérable pour les copropriétaires et leurs conseils :
- Stratégie procédurale sécurisée : Il valide la stratégie consistant à intenter une action large (annulation de l'assemblée entière) pour bloquer le délai de forclusion, tout en se réservant la possibilité de présenter ultérieurement des demandes plus ciblées sur des résolutions particulières.
- Unité de l'objet du litige : La Cour consacre une approche pragmatique et substantielle. L'objectif fondamental du copropriétaire est de faire annuler des décisions qu'il estime illégales. Que cette demande vise l'assemblée dans son ensemble ou certaines de ses résolutions, la finalité reste identique.
- Souplesse et sécurité juridique : Cette solution évite une multiplication des actions en justice et offre une sécurité au demandeur, en empêchant que son action soit rejetée pour un simple formalisme procédural dès lors que le cœur du litige a été porté devant le juge dans les délais.
En résumé :
Pour contester une assemblée générale, agir dans le délai de deux mois en demandant l'annulation de l'assemblée in globo interrompt le délai de forclusion et préserve le droit de demander subsidairement, même après l'expiration de ce délai, l'annulation de résolutions particulières.
